Léa Habourdin

Née à Paris en 1985, vit et travaille à Paris

Les forêts primaires n’existent plus en France hexagonale, seuls survivent des lieux naturels qui n’ont pas subi d’influence de la part de l’humain ces dernières décennies. Voilà trois ans que Léa Habourdin arpente ces forêts cataloguées comme intouchées par un panel de chercheurs et de chercheuses.

L’homme s’est coupé de la nature. La déforestation progresse. L’humain subit l’illustration visuelle de la dégradation écologique dont il est responsable. Plus que dans la négation, l’engagement artistique réside dans l’enregistrement de cette catastrophe par une approche esthétique singulière qui ouvre à des perspectives d’un ré-enchantement de la désintégration globale.

Productrice d’image et cueilleuse, de la même manière qu’on collecte du bois pour faire un feu, Léa Habourdin ramasse des végétaux pour tirer ses images. Du jaune vif des feuilles de bouleau au rose pâle des pétales de coquelicot, en passant par la gaude, le bois de Pernambouc ou la persicaire, la représentation des forêts est ici pérenne mais très évanescente. L’artiste révèle au sens photographique et métaphorique du terme cette notion de forêt primaire, laissant la possibilité́ de résonner avec l’image personnelle et réconfortante, le fantasme que nous en avons tous •toute•s. Ses images sur textile, teintes avec des plantes locales, rendent tangibles l’élaboration de ce catalogue personnel de lieux pas encore totalement vierges.

« C’est l’expérience de nature et les récits qu’on en rapporte qui consolent notre inquiétude. « Solastalgie » est un mot si beau qu’il fait oublier un instant l’état d’anxiété qu’il décrit. Je crois que c’est pour cette raison que j’aime l’utiliser, il me fait penser parfois au « Saudade » portugais.

Les forêts intouchées que je montre sont tirées à l’aide de pigments de plantes que j’extrais et broie avant le tirage. Je me souviens d’avoir été particulièrement surprise par la lumière du rose de la garance et la couleur miel du genêt. Cette pratique demande une saisonnalité, les cueillettes du printemps sont séchées en été et transformées en pigment en hiver, ces tirages témoignent d’un moment, d’un ensoleillement particulier, d’une “récolte” de fleurs plus ou moins chanceuse. 

Aller arpenter les forêts intouchées, et les photographier, me demande un déplacement d’atelier. Pour deux jours ou trois semaines, je pars vivre aux abords de ces lieux anciens. Ce que je n’avais pas imaginé, c’est qu’au gré des rencontres se dessinait une autre « classification », plus intime. Des forêts importantes pour ceux qui les habitent, des lieux persistants, où le loup passe souvent, qui abritent un hêtre remarquable ou une tourbière qui sent l’herbe mouillée. Ces lieux ne sont ni « vierges », ni « primaires », leur importance tient à ce partage, à cette phrase « je vais te montrer » et aux histoires intimes qu’ils portent. »

Images-forêts PC04938, 2023, tirage aux pigments de genêts sur papier coton, 70 x 100 cm, produit avec le soutien de La Halle centre d’art et Villa Glovettes
© Léa Habourdin

EXPO Solastalgie(s)

Ses œuvres présentées

Images-forêts PC04928

2023, tirage aux pigments de racine de rosier, de réséda et de cosmos sur papier coton, 70 x 100 cm, produit avec le soutien de La Halle centre d’art et Villa Glovettes

Le mur de tissus teints

2022 – 2023, technique : teinture végétale sur coton, technique traditionnelle. Ensemble de 210 tirages uniques, installation modulable, présentation de 63 pièces de 22×29 cm pour l’exposition Solastalgie(s). Produit avec le soutien de Brigitte et Pierre H.

Images-forêts PC04944

2023, tirage aux pigments de garance sur papier coton, 70 x 100 cm, produit avec le soutien de La Halle centre d’art et Villa Glovettes

Née en 1985, Léa Habourdin, vit et travaille à Paris. Elle a d’abord étudié l’estampe à l’école Estienne puis la photographie à l’école d’Arles. Attentive à la diversité des formes de vies, sa pratique veut dessiner d’autres manières d’entrer en résonance avec les mondes. Elle observe le rapport que nous entretenons aux autres animaux, aux paysages et convoque les notions de survie, de fracture, de reconstruction pour composer une autre vue de ce que nous appelons « le sauvage ». Explorant des champs tels que l’éthologie, la recherche en science appliquée ou encore la botanique, elle déploie un travail en dessin et photographie où la place du livre et de l’objet imprimé est cruciale.

Son travail a été récompensé de nombreuses fois, elle a été notamment lauréate de la Carte Blanche PMU – le BAL en 2015, de la bourse de recherche du CIPGP en 2019, et de la bourse d’aide à la création du CNAP en 2020. Par ailleurs, elle a exposé dans plusieurs festivals (Photo Phnom Penh au Cambodge, Lianzhou festival en Chine, Photo Saint Germain à Paris)

En 2018 elle expose « Survivalists » au Musée GoEun en Corée du Sud et profite de l’ouverture de l’exposition pour lancer sa maison d’édition : Mille Cailloux où l’acte d’éditer sera pensé comme une pratique artistique. Son dernier travail « Images-forêts : des mondes en extension » fait l’objet d’une exposition personnelle aux Rencontres d’Arles en 2022. En 2023, elle est lauréate du PhotoLondon Emergent Photographer of the Year prize.

Léa Habourdin

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