Matthieu Boucherit
Né à Cholet en 1986, vit à Aubervilliers
Par sa posture critique, l’artiste aime à amener le spectateur dans une zone de fiction qui peu à peu bascule vers un point de friction. Partant d’un corpus d’images « stéréotypes » issues de captures sur le web, glanées sur internet et les médias d’actualité́, il utilise le truchement de la peinture sur toile, mode d’expression ô combien classique, qu’il met en scène de manière théâtralisante dans des installations de grand format minutieusement agencées. Il nous fait basculer lentement vers une réalité âpre mais non nommée, distillant un sentiment de malaise qui ne s’explique que lors de la prise de conscience du contexte d’où sont issues les images sources. Les fragments de corps peints en niveau de gris sur fonds noirs qui nous sont donnés à voir expriment une chorégraphie en tension. Ces humains se renversent, se plient, se déplacent, s’agglomèrent ou se dispersent dans des espaces dépourvus d’histoire. Matthieu Boucherit efface le contexte situationnel des photographies initiales afin d’en déplacer l’enjeu. L’utilisation des corps, ceux contraints d’hommes, de femmes et d’enfants lors de leurs exils, devient ici le principal élément d’une autre mise en scène, celui d’un parallèle établi entre l’orchestration politique des déplacements – de pays en pays, de camps en camps – et le déplacement des êtres anonymisés, transformés en « images-produits » interchangeables, ajustées et transférées de médias en médias en fonction d’espaces de diffusion, de récits et de publics définis.
Happé·e·s par des paysages virtuels sous contrôle, le régime du visible semble avoir définitivement basculé vers le régime des affects. Les réseaux sociaux diffusent par le partage massif de nos émotions, de nos doutes et de nos indignations, l’espoir inavoué d’agir sur le réel. Pourtant, l’architecture algorithmique de ces plateformes du web modélise bien davantage nos consciences à travers l’élaboration d’un profil psychologique qui façonne, autant qu’il cloisonne. Le terme Anamnesis désigne le retour d’une mémoire sur laquelle se construit la plainte d’un patient. Réalisé sur près de deux ans, le premier ensemble de la série présente l’archivage condensé du paysage numérique tel qui lui a été « proposé » ou « imposé » par Facebook et Instagram. Les centaines de captures d’écrans ont ensuite été matérialisées au gélatinobromure d’argent sur de fines lames de microscope, puis stockées dans des coffrets.
Sillonnant entre l’imaginaire biomédical et l’archive, la série télescope un monde d’images modernes avec un monde de données contemporaines affectant, l’un et l’autre, notre flux de conscience. Elle cristallise ainsi les maux de notre société contemporaine, l’ADN de nos imaginaires modélisés et incarne la volonté, pour chacun·e, de participer au monde en s’infiltrant dans le quotidien au point d’en produire la trame et la doublure.
Déplacements, 2019-2023, Installation picturale de 29 acryliques sur toile, 645 x 305 cm, © Matthieu Boucherit
EXPO Solastalgie(s)
Ses œuvres présentées
Anamnesis
2018-présent
Anamnesis
2018-présent
Anamnesis
2018-présent
Né en 1986 à Cholet, Matthieu Boucherit, vit et travaille à Aubervilliers. Artiste pluridisciplinaire, il s’inspire des techniques et appareillages qui ont façonné́ nos regards et développe une réflexion sur l’écologie des images et des affects. Il croise les méthodes de présentation et de représentation de différents médias — peinture, dessin, photographie, texte, vidéo, création d’ambiance, dont il dissèque les mécanismes de fabrication en mettant en scène leurs process. En élaborant un ensemble de stratagèmes plastiques et conceptuels, il déplie les problématiques liées aux représentations, leurs implications politiques, économiques et sociales et leurs effets sur nos comportements à travers l’histoire. Il déconstruit notre rapport intime aux images et pointe l’arrière fond idéologique et les rapports de pouvoir qui s’y logent. Ses œuvres ont été exposées en France et à l’étranger, lors de la Biennale de l’Image Tangible à Paris (2019/2018), à la Biennale de Thessalonique en Grèce (2018), à Bandjoun Station au Cameroun (2018), au sein des expositions collectives Saout L’Mellah au Maroc (2018), 3AJEL, en temps réel (2016) et Politics Collective (2013) à Tunis. Mais aussi à l’occasion d’expositions personnelles au Centre d’Art La Conciergerie à Chambéry (2018), au Centre d’Art La Fabrique à Toulouse (2011) et pendant l’année franco-russe à l’espace Croix Baragnon, à Toulouse (2010), où il représentait la France lors de l’exposition Latence. Il a été récompensé de la Bourse du Collège Internationale de la Photographie du Grand Paris, en 2019 et a reçu le prix de l’Art Engagé de la Young International Artist en 2016.